Le centre d’art du parc Saint Léger à Pougues-les-Eaux accompagne jusqu’à la mi-septembre 2012 l’exposition de Jean-Pascal Flavien intitulée «breathing house : la maison qui respire». Inscrite dans le prolongement de ses précédentes réalisations, comme la «no drama house» à Berlin en 2009, ou la «two persons house» à Sao Paulo en 2010, cette nouvelle proposition consiste ici à concevoir une architecture en parallèle de l’exposition et à imaginer les mouvements d’une respiration continue entre deux espaces en apparence indépendants. Pour l’artiste, la maison, même s’il elle est d’abord envisagée en tant que véritable lieu de vie répondant aux besoins quotidiens, est avant tout une forme-concept ouverte à un champ d’expérimentations artistiques, où l’habitat devient le théâtre de situations singulières dont il est le générateur.
Implantée dans l’écrin de verdure du parc départemental, à proximité du centre d’art, la breathing house est une maison minimale blanche épurée, composée d’éléments statiques et mobiles censés en moduler les fonctions et les usages. Cube posé sur une dalle de béton bleue, dont le dépouillement ne conduit pourtant pas à l’austérité, elle laisse apparaître sur l’un de ses flancs deux cloisons coulissantes qui la traversent en dessinant trois plans parallèles, un living, un espace pour dormir et pour travailler. Ces zones flottantes qui dessinent des séparations subjectives désaxent en même temps le positionnement et la perception des choses et des objets de l’intérieur vers l’extérieur. Percées de part et d’autre de nombreuses ouvertures donnant sur le parc, la maison se transforme maintenant en une machine à voir et à être vue, où des filtres de couleurs dessinent par superpositions des cadrages sur le paysage.
La maison, si elle est autonome, n’est cependant pas le centre de l’exposition, elle en représente seulement une partie, dont le centre d’art constitue le prolongement - une métaphore du poumon - et à partir duquel l’artiste cherche à reconstituer des liens. Presque vide, l’espace central abrite quelques éléments de mobilier, un lit, une chaise, échelle, que les derniers occupants du lieu ont déplacés comme le témoignage de leur passage. L’architectonique pensée par Flavien favorise alors la circulation entre les espaces : on entre dans l’exposition, ni par le début, ni par la fin, mais bien par le milieu, là où les ouvertures permettent des déplacements, la migration d’idées, d’informations, d’objets, autant d’éléments constitutifs et résiduels de ce que produit le lieu. Habiter induit alors une participation au processus de création artistique initié par l’artiste où la relation au lieu s’envisage comme une forme d’art en soi, constitutive d’événements, de circonstances, de relations concrètes et de moments intangibles, où les mouvements deviennent les traces de l’exposition.
Conservant sa fonction première, la maison a vocation à être habitée suivant trois temporalités précises : un avant, un pendant et un après l’exposition. Occupée dans un premier temps par l’artiste lui-même pour y travailler, elle est ensuite mise à disposition d’artistes, critiques, commissaires invités à résider avec pour seule contrepartie de laisser par écrit un témoignage personnel de leur séjour. Ces expériences plurielles qui s’étendent aux conférences, lectures, ou recherches, seront par la suite compilées dans une publication éditée par l’artiste pour pouvoir en conserver une trace diffuse dans le temps.
Les deux mezzanines du centre d’art sont quant à elles consacrées, d’un côté à la rétrospective des précédentes réalisations de Flavien, accompagnées de leurs publications, et de l’autre, à la présentation d’une série de maquettes réalisées à Los Angeles de 1997 à 2002 et conservées dans des boites à chaussures mises à disposition du public. Loin de constituer de simples projets utopiques, ces œuvres non réalisées traduisent l’urgence de la retranscription d’une idée. Elles constituent des supports de projection au travers desquels l’artiste invente de nouvelles situations autour de deux ou trois idées comme avec two houses on the same basement, ou one entrance two exists damage house. L’enjeu de tels projets, ainsi que du reste de l’œuvre de Flavien, ne consiste dès lors pas à chercher de nouveaux concepts d’habitation, d’imposer une forme meilleure, ou bien d’une quelconque volonté d’ordonner le futur, mais plutôt, et ce à contrario de l’adage moderniste : Form Follows Fiction, de créer un univers complet ou la forme suit plutôt la fiction. Architecture sans architecte, la maison selon Flavien est un espace expérimentable, incubateur, ouvert à des actions potentielles qui la rapprocherait davantage d’une machine à affronter le cosmos dont parlait Gaston Bachelard, une machine à faire lieu, à ancrer l’homme dans le temps et dans la fiction.