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La belle revue a choisi d’inaugurer son nouveau dossier thématique avec un vieux sujet. De la citation elle ne compte pas tout dire (ce serait tout redire) mais jette un œil dans quelques recoins – de l’atelier et des théories instituées –, emprunte des chemins en friche – dans les alentours du net et de la fiction –, pour que cette mise en jambe invite à réévaluer la question ou à l’aborder par d’autres versants, comme le font les alpinistes persévérants.

La citation - Replay

par Julie Portier

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A l’heure où le post-moderne est une histoire ancienne, où l’ère de l’après-coup a déjà fait long feu, la citation, entre autres pratiques d’appropriation, n’a pas dit son dernier mot : on cite à toutes les sauces, on réfère à la moindre occasion, comme si l’idée neuve et l’objet inédit ne pouvaient s’avancer sans une canne historique. Quelle pensée révolutionnaire a été avalée de travers pour nous empêtrer ainsi dans une relation obsessionnelle à notre patrimoine culturel, au point que la parodie ne soit devenue un académisme ? Dans ce contexte, comment les usages conscients et automatiques de la citation peuvent-ils recouvrer une attitude créatrice et une posture critique ? Ces questions traversent les textes réunis dans ce dossier qui s’étoffera ensuite dans l’édition numérique de La belle revue. Ici, ils sont artistes, théoriciens, historiens de l’art, critiques ou commissaires d’exposition à nous donner leur version plus ou moins objective des faits.

Et tandis que, en décembre dernier, l’énoncé de la problématique laissait échapper un soupir à l’égard d’une génération dont l’ambition historiographique s’est compromise dans une mélancolie du modernisme – autrement dit, alors que l’on songeait à la ruine, les auteurs nous exposaient l’allégorie du Babybel et du slip Kangourou. En se penchant sur le reenactment d’une installation de Dieter Roth par Jason Rhoades, Camille Paulhan évalue la fin des grands récits à l’odeur du fromage. De son côté, François Trahais lit les bouffonnes parodies de ses maîtres par Martin Kippenberger comme l’annonce de la fin de l’aventure moderne «dans la bonne humeur». Alors qu’une pléthore d’œuvres témoignent de leur sérieux par une référence obligée à Derrida, Foucault ou Deleuze, l’essai d’Ingrid Luquet-Gad élabore une critique salvatrice du phénomène en interrogeant le déplacement même de la French Theory dans les arts plastiques. La relation entre les productions philosophiques et plastiques devrait s’envisager autrement à l’ère du numérique. C’est à l’aune de la circulation amplifiée des images sur Internet que François Aubart propose d’établir une typologie de manipulateurs de signes. La pratique généralisée de l’appropriation et du détournement de l’image photographique, qui, rappelle l’auteur, s’est développée simultanément dans le champ de l’art et celui de la publicité, impose d’en discerner les intentions critiques et poétiques. Adepte notoire du remix, Mark Leckey, est le sujet d’étude de Céline Poulin. En s’appuyant sur la rétrospective organisée au Wiels en 2014, son texte analyse une méthode de production où le montage confine à la « transsubstantiation des sources » dans une conception sensuelle du numérique, auratique de la copie, où une mince membrane sépare le virtuel de la fiction. Ailleurs, quelque part dans le 18e arrondissement de Paris, le duo Hippolyte Hentgen se raconte des histoires pour éviter de théoriser sa pratique. Elles dessinent, fabriquent des décors et écrivent des scenarii de performances avec des chansons dans la tête et des films qui émergent de leur mémoire. Les répliques et les paroles traversent aussi l’esprit de Lidwine Prolonge dans sa vie quotidienne, dès qu’elle ouvre la bouche ou prend la plume. La distinction entre la citation authentique, inventée ou auto-référentielle n’a plus lieu d’être, à ce stade, l’intertexte est devenu un interstice, une frontière poreuse au plus près de laquelle (à moins d’un pourcent d’écart) toute prise de parole doit assumer le risque de sauter dans la fiction.






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Julie Portier



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