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Ilse D'Hollander au Frac Auvergne

par Laetitia Paviani

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LA RAISON DU SILENCE, CE SONT NOS PROPRES PEURS, PEURS DERRIÈRE LESQUELLES CHACUNE D'ENTRE NOUS SE CACHE - PEUR DU MÉPRIS, DE LA CENSURE, D'UN JUGEMENT QUELCONQUE, OU ENCORE PEUR D'ÊTRE REPÉRÉE, PEUR DU DÉFI, DE L’ANÉANTISSEMENT...1

Pas de fausse pudeur, parlons-en (…)

Ilse D'Hollander, artiste belge née en 1968 est morte en 1997 à l’âge de 29 ans. Elle laisse derrière elle dix années d'un travail jeune dont deux fulgurantes qui constituent l'essentiel de l'exposition monographique qui lui était consacrée au Frac Auvergne du 8 octobre au 30 décembre 2016.

(…) c’est mélancolique à souhait, mais le fait est qu’Ilse D’Hollander, ne s'est pas donnée la mort au terme d'une vie passée à chercher la visibilité ou à lutter contre une opinion défavorable, qu’elle n’a pas laissé d’instructions, pas de « last wall »2, pas un seul mot et qu’elle n'était pas non plus recluse, hors du monde de l'art. Personne ne voyait son travail parce qu'elle ne le voulait pas. Et ça, c’est un fait assez inhabituel pour être pris en compte : ni maudite, ni « brute », voilà une artiste au travail qui a produit une œuvre « sans fin » en y mettant un terme.

Que faire avec ça ? Hors de toute considération biographique ou sentimentale, comment, aujourd'hui, exposer ce désir d’absence, ce doute ? Cela relève de vrais enjeux artistiques et muséographiques.

Après sa mort, les œuvres D'Hollander ont circulé d’expositions collectives en galeries mais ont été peu montrées ensemble. On se serait attendu, hors du circuit commercial, à voir pousser la réflexion autour de la difficulté — car c'en est une — de présenter ce corpus singulier.

Livrées à elles-mêmes, ces œuvres posent la question de leur statut. Sont-elles des œuvres d'atelier, des étapes de travail, des notes, sont-elles abouties, sont-elles autonomes ? Selon le cas, comment les présenter sans trahir l'artiste ? Comment exposer une peinture qui ne voulait pas l’être ?

Autonomes ces peintures le sont (pour nous, mais pour elle?) par leur spontanéité, leur franche liberté, leurs trouvailles, leur présence en tant qu’acte de peinture, tout cela est dit ; il est clair qu'elles sont plus que de simples expérimentations et l’accueil attentionné qui leur est réservé ici nous aide à en saisir la force et les hésitations.

Pourtant ces œuvres sont liminaires, au seuil d'autre chose, résistantes à une catégorisation aisée. Un accrochage traditionnel les place dans une circonscription des sens qui sonne comme un point final au milieu d’une phrase en cours, les fige dans quelque chose de permanent alors qu’elles suggèrent un acte temporaire.

Voilà le problème avec ces petites peintures : c’est séduisant, c’est plat et ça s’épingle au mur. Il y a trois siècles, dans les salons, il n’y avait d’espace que pour l’encombrement de larges cadres entre elles, aussi seyant que des robes à paniers pour qui ne les portait pas. La seule mode qu’on leur permette aujourd’hui c’est de respirer. Est-ce suffisant ?

Les « Studioworks » d'Eva Hesse, qui avaient fait l’objet d’une exposition à la Fundacio Tapiès en 20103, ont eu, eux, dans la brève carrière de l’artiste un statut précaire et bien distinct ; un « travail » qui ne deviendra pas nécessairement « une œuvre ». Il est question de profusion du faire, de désir compulsif, de répétitions, d’accidents et de conscience, autant que dans les petites gouaches sur papier D’Hollander.

C’est dans de tels objets que les gestes de l’art deviennent plus clairs. Comment exposer ces gestes en respectant leur impermanence, leur résistance à l’accrochage?

Les « Studioworks » ont essentiellement affaire aux préoccupations de l’artiste, aux différentes orientations possibles d’un travail. Eva Hesse avait ouvert ces objets à une situation plus large que celle de leur cadre, elle les a fait entrer dans ses expositions mais toujours groupés et à part4; elle prenait soin de ne pas les accabler de l’auto-suffisance d’œuvres finies. Les présenter comme telles les aurait définitivement perdus au fin fond des origines ou parmi les restes, alors qu’il est important d’entendre leur force au point de basculement entre ces deux issues.

Qu’en diraient-elles ces peintures si elles pouvaient parler…?

… MAIS PAR DESSUS TOUT, JE CROIS, NOUS CRAIGNONS LA VISIBILITÉ, CETTE VISIBILITÉ SANS LAQUELLE NOUS NE POUVONS PAS VIVRE PLEINEMENT.5





Ilse D'Hollander, en mon cœur l'histoire devient mélancolie

FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand

du 8 octobre au 30 décembre 2016

http://www.frac-auvergne.fr/exposition.php



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